Encore trop souvent le nom d'Einstein reste-t-il associé à l'invention bombe atomique, ce qui est historiquement inexact.
- Einstein reste bien le découvreur de la fameuse formule E = mc2 publiée lors de son annus mirabilis de 1905, et qui exprime l'intercheangibilité de la masse et de l'énergie. Cette formule est universelle et s'applique à tous les phénomènes dans lesquels de l'énergie est échangée. Mais elle ne suggère en rien le processus par lequel l'énergie contenue dans de la matière pourrait être extraite ou libérée.
C'est ainsi que l'on peut lire sous la plume d'Einstein lui-même cette mise au point datant de novembre 1945[1]:
"Je ne me considère pas moi-même comme le père de la libération de l'énergie atomique. Mon rôle en la matière a été tout à fait indirect. En fait, je n'ai pas prévu qu'elle serait libérée de mon vivant. Ce n'est devenu possible quà la suite de la découverte accidentelle de la réaction en chaîne[2], et ce n'est pas quelque chose que j'aurais pu prévoir."
- Einstein a bien signé - et non rédigé - le 2 août 1939 une lettre écrite par deux physiciens hongrois Leo Szilard et Eugène Wigner à destination du président Roosevelt pour le mettre en garde contre les conséquences dramatiques que pouvait avoir une bombe nucléaire pensée et créée par les scientifiques nazis qui pouvaient amener le Reich non seulement à gagner la guerre mais aussi à anéantir l'humanité. Il ne fait aucun doute que cette lettre contribua de manière décisive à la décision de Roosevelt d'enclencher deux ans plus tard (après l'attaque japonaise sur Pearl Harbour, le 7 décembre 1941) ce qui deviendrait le projet Manhattan.
- Einstein n'a jamais participé au projet Manhattan dont il a été l'un des initiateurs. Personne n'a proposé à l' "ermite de Princeton" d'aller s'enterrer à Los Alamos avec Oppeinheimer, Szilard et Wigner. Einstein ne sait rien de ce qui se fait à Los Alamos et ignore à peu près tout de l'avancée du projet Manhattan. Même devenu vieux et citoyen américain, il est en effet soupçonné d'étre un traître, "un rouge" par le tout jeune patron omnipotent du FBI, J.Edgar Hoover qui n'hésite pas à mettre le savant sous surveillance.
- Lorsqu'ils eurent obtenu la conviction que les nazis n'avaient pas la bombe atomique et que l'Allemagne serait défaite, Einstein et SIlzard décident d'écrire une autre lettre qui tombera ce coup-ci entre les mains du vice-président Truman - Roosevelt étant quant à lui sur son lit de mort - afin d'implorer le gouvernement américain de ne plus utiliser l'arme nucléaire, devenue désormais inutile. Plus encore, ils proposent ce projet fou - déjà évoqué devant Churchill qui s'était étranglé de colère - de partager le secret de la bombe avec l'URSS afin de préparer la voie à une prochaine gouvernance mondiale basé sur l'équilibre de la terreur. Le secrétaire d'Etat américain Byrnes à qui la lettre est lue a la même réaction que Churchill et considère les deux savants à mi-chemin entre la folie et le communisme.
- 6 août 1945, six heures trente locales, Hiroshima, Japon un énorme champignon nucléaire s'élève dans le ciel entraînant 150 000 morts, 80 000 maisons détruites et plus de 200 000 blessés.
6 août 1945, dix-sept heures, Saranac Lake, dans l'Adirondack, Etats-Unis. Albert Einsteins se repose dans sa résidence de vacances. "Oh mon Dieu!" s'écrie-t-il apprenant la terrible nouvelle de la bouche de sa sécrétaire Helen Dukas.
[1] Albert Einstein, "Atomic War or Peace", Atlantic Monthly, november 1945.
[2] Einstein fait ici allusion à la découverte fortuite, en décembre 1938, par deux paisibles savants, Lise Meitner et Otto Hahn, d'une propriété singulière et stupéfiante du noyau d'un isotope de l'uranium, l'uranium 235, celle de fissionner, et de provoquer une réaction en chaîne induite par la libération concomittante de neutrons libérant ainsi une grande quantité d'énergie. Pour se donner une idée d'une telle énergie, il suffit de savoir que lors de l'explosion de la bombe d'Hiroshima un seul gramme d'uranium fut transformé en énergie.